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Les aventures de Tintin au Tibet racontent comment Tintin réussit
à sauver son ami Tchang perdu dans la montagne himalayenne
et retenu par le terrible Yéti. Mais ce récit n'est pas seulement
celui d'un sauvetage, c'est aussi celui de la confrontation entre
deux façons de voir les choses, entre deux façons d'être au monde
et de l'interpréter, exemplairement incarnées par Tintin et par
Haddock. Et cela dès les premières planches de l'album : Tintin
ne serait jamais allé porter secours à Tchang s'il ne l'avait vu
l'implorer dans un rêve «hallucinant de vérité». La clarté graphique
et narrative de cette oeuvre d'Hergé n'exclut pas ainsi la profondeur
du propos.
Le présent ouvrage propose une lecture suivie de l'album. Après
avoir reconnu l'économie générale du récit, on montrera que c'est
cette confrontation entre les deux visions qui permet d'apprécier
la signification et la valeur de nombre de détails ou d'épisodes
apparemment gratuits ou inutiles qui ne semblent être là que pour
préparer un gag ou instruire le jeune lecteur sur les contrées
lointaines : l'escale de New Delhi n'est-elle qu'un épisode touristique
? Et pourquoi donc Tintin reçoit-il un fruit pourri sur la
figure en traversant une forêt ?
Finalement, cette lecture de Tintin au Tibet débouche sur des
questions de sémiotique générale : comment, par exemple, une
«figurativité profonde» peut-elle s'instaurer qui non seulement
assure l'homogénéité du discours mais encore crée les conditions
de relais entre texte et image qui font de la bande dessinée une
des grandes formes de sémiotique syncrétique ?