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De tout temps et en tout lieu, la surdité, cet "handicap" invisible, interpelle,
déstabilise. Les sourds sont-ils des infirmes, des sots, des personnes de
mauvaise volonté qui choisissent d'entendre ou non ? "Il n'est pire sourd
que celui qui ne veut entendre" dit d'ailleurs un vieux dicton, soulignant
les doutes et suspicions de l'imagerie populaire.
De fait, entre audition et compréhension, l'amalgame s'opère très tôt,
et avec lui l'idée que la parole vocale est indispensable au développement de
l'intelligence. Faire parler les sourds s'impose donc comme une nécessité
pour les intégrer à la société, les mettre "en conformité" par rapport à
un schéma social dominant. C'est ainsi qu'on s'acharne à faire disparaître
la surdité, en tentant de réparer un organe défaillant au détriment du mode
d'expression naturel et séculaire des personnes sourdes, la langue
des signes.
Face à cette volonté de réhabilitation à tout prix, les sourds résistent.
Une véritable culture émerge autour des signes, un mode de communication
inédit, longtemps diabolisé et interdit, qui s'est perpétué de manière
officieuse. Peu à peu, les sourds deviennent Sourds, allant jusqu'à
revendiquer un peuple sourd, une nation sourde au XIXe siècle.
De la surdité, notre société ne retient souvent que la déficience sensorielle,
le "handicap". Dans cet ouvrage, Fabrice Bertin décrypte la construction
historique et anthropologique d'une communauté attachée à sa singularité
d'être au monde, qui marche vers sa reconnaissance.