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L'Ombre du mur est une «géographie personnelle» et littéraire du mur de
Berlin tombé il y a vingt ans, vécue, écrite par douze écrivains venus de l'Est.
Autant de séquences individuelles où l'Histoire s'imbrique dans une collusion
permanente entre passé, présent et avenir.
Le «cercle» de Velibor Colic, le Bosniaque, commence à Auschwitz, passe
par Srebrenica et l'Espagne républicaine pour se refermer provisoirement à
Berlin. L'«étonnement infini» de Bessa Myftiu, l'Albanaise, est né presque
imperceptiblement le jour où la statue d'Enver Hoxha est tombée, poussée par
une foule transfigurée. «Partir, c'est mourir un peu» pour le transfuge roumain
Norman Manea et Berlin devient un lieu de «pèlerinage de la croisée des
chemins d'une existence et de tant d'autres». Lutz Seiler, l'Allemand, parle
d'héritage, littéraire avant tout, et son mur se transforme en une mesure du
temps. L'homme des frontières, Luan Starova, le Macédonien, évoque les
Portes de l'Enfer derrière lesquelles se sont murés, depuis des siècles, les
Balkans. Les anges échafaudés du Hongrois László Garaczi veillent sur Berlin,
où tout doit être réappris en permanence. Théodora Dimova, la Bulgare, évoque
ses transitions : Tchernobyl, les hivers postcommunistes ou ses propres
livres. Katja Lange-Müller, l'Allemande, est témoin des temps où Marina,
Marina n'était encore qu'une chanson joyeuse, avant de devenir une margarine
bon marché. Le Polonais Wlodzimierz Odojewski se demande si on pouvait
entendre à travers le mur les voix de l'autre partie de l'Europe. Le mur de
Martin Smaus est celui de Lennon, symbole de résistance à Prague. Pour
Anatoli Koroliov, l'enfermement a commencé avec la palissade qui entourait la
maison de son enfance. Sous les décombres, Edin, le personnage du jeune
Serbe Vladimir Kecmanovic, essaie en vain de retrouver un morceau du mur de
Berlin perdu pour toujours...
Et ce mur continue de hanter, telle une ombre sur un paravent de pierres
qui, hier encore, séparait les hommes.