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Le temps est révolu où l'on pouvait croire que la démocratie ne
peut se réaliser que dans le cadre d'un État-nation, superposant
sur un territoire, un peuple, une langue, une culture et une religion,
transcendante ou séculière. La tâche prioritaire est désormais
de penser les modalités plausibles de la coexistence au sein d'un
même État et entre États de traditions culturelles diverses, traversant
les frontières politiques.
Sur ce point décisif, le débat reste en France piégé par l'opposition
rituelle entre républicanisme et communautarisme. D'où
l'importance de ce livre du philosophe Francesco Fistetti, qui élargit
considérablement la réflexion en exposant ce qui s'argumente
ailleurs sur ce thème, à travers les Cultural Studies, Subaltern
Studies, Postcolonial Studies et autres travaux mal connus en
France. L'auteur en offre ici, entre philosophie et sciences sociales,
une synthèse rigoureuse et pédagogique. Il montre comment cette
aventure intellectuelle radicale peut frayer la voie à une redéfinition
originale des notions d'identité, de culture, de nation ou de
citoyenneté et, par là, à une intelligence renouvelée de la démocratie
elle-même.
Dans le sillage de ces courants, mais aussi des travaux d'Antonio
Gramsci et de Hannah Arendt, la condition multiculturelle bien
comprise prend alors un tout autre visage : celui d'une forme de
vivre-ensemble où la différence culturelle et le conflit, loin d'être
la cause de confrontations violentes, viendraient alimenter une
spirale vertueuse, fondée sur la liberté de se «donner» et de se
reconnaître mutuellement. Bref, une démocratie résolument multiculturelle,
mais débarrassée de tout irénisme.