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En 1848, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres couronne
une étude d'Ernest Renan (1823-1892) répondant à la
question inscrite au concours sur «l'étude de la langue
grecque en Occident du Ve siècle au XIVe siècle». Repéré il y a
quelques années par P. Vidal-Naquet, le manuscrit de Renan
n'a jamais été publié jusqu'à ce jour alors que son auteur
exerça sur le XIXe siècle français une véritable «royauté intellectuelle».
Loin de se limiter à un exercice d'érudition, Renan pose là
les prémices qu'il développera dans la suite de son oeuvre. Il
met en place tout d'abord une théorie des langues qui l'amène
à porter l'accent sur le triple héritage de l'Occident au carrefour
des civilisations grecque, hébraïque et arabo-musulmane.
Il développe ensuite une vision du religieux et de son rôle
dans le développement humain qui prend toute son importance
au regard des débats actuels sur la laïcité. Il réfléchit
enfin à la façon dont cohabitent les civilisations dans l'histoire.
C'est, en somme, bien avant la Réforme intellectuelle et
morale, une réflexion sur les éléments qui constituent l'unité
d'une culture mais aussi l'avenir des nations que nous offre ce
texte.
Destin des langues, place du religieux, construction d'un
passé de l'humanité garant de son avenir potentiel : le manuscrit
sur «l'étude de la langue grecque en Occident du Ve au
XIVe siècle» doit donc être lu comme la première oeuvre
politique de Renan. Sa publication répond, on le voit, aux
interrogations qui sont aujourd'hui les nôtres.