Read more
Il y eut un temps où, au cinéma, les «indépendants» - et les distributeurs
producteurs indépendants en particulier - formaient une grande famille qui se
retrouvait un peu partout dans le monde. Les films de Jim Jarmusch, Stephen Frears,
Mike Leigh, Peter Greenaway, Wim Wenders, ou encore de Andy Warhol et Raymond
Depardon étaient ainsi discrètement reliés par le même geste, invisible aux profanes
mais essentiel à leur existence. Et dans une histoire qui s'écrivait plutôt au
masculin derrière la caméra, ce fut une femme qui traça ce geste en France et relia
entre eux ces auteurs.
Elle s'appelait Pascale Dauman, avait découvert les métiers du cinéma dans les
années 1960 auprès du producteur de Hiroshima, mon amour ; celui des premiers
Resnais, Godard, Marker ou Pollet. De lui - d'Anatole Dauman -, elle garda
toujours le nom qu'elle reçut en mariage. Avec sa société Pari Films, elle fut
productrice et distributrice. Découvrir des auteurs à l'étranger, arpenter les festivals,
acheter des oeuvres, les installer sur les écrans français, c'est de cette manière qu'elle
fit sa vie au cinéma. Et si elle s'était lancée seule d'abord avec l'underground
new-yorkais, si elle avait aimé les films de documentaristes alors méconnus
(F. Wiseman, E. De Antonio) ou de maîtres oubliés (Y. Ozu), elle a fini par monter
les marches de Cannes auprès d'auteurs que les majors courtisaient.
Je rencontrais Pascale Dauman bien après son heure de gloire, affaiblie et retirée
du métier après des péripéties qu'elle disait très cinématographiques. Pour que de
cette histoire, de son parcours, reste une trace, nous engageâmes alors un dernier
pari, dont cet ouvrage est issu.