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On nous parle d'une pratique
particulière à la marine anglaise.
Tous les cordages de la marine royale,
du plus gros au plus mince, sont tressés
de telle sorte qu'un fil rouge va d'un bout
à l'autre et qu'on ne peut le détacher
sans tout défaire ; ce qui permet
de reconnaître, même aux moindres
fragments, qu'ils appartiennent
à la couronne.
Goethe
Les Affinités électives.
Aujourd'hui, le mot «deuil» envahit la vie quotidienne. On est
toujours «en deuil» de quelque chose : une enfance passée, un examen
raté, un enfant parti, une maison quittée, un projet avorté,
un conjoint décédé, une séance qui s'achève... Toute perte, tout
renoncement, toute séparation susciteraient un affect de deuil. À quoi
correspond l'usage inflationniste de la notion de travail de deuil ?
Martine Lussier s'interroge sur cette généralisation et l'interprète
en partie comme un symptôme de la désocialisation de la
mort dans le monde contemporain. En effet, alors que la mort se
privatise avec la disparition des rites sociaux, laissant les endeuillés
souvent très seuls, des enterrements célèbres comme ceux de
la princesse de Galles ou du roi du Maroc mobilisent les foules
dans une surenchère d'émotions. Le bruit de la mort contraste avec
la pauvreté des rites ou de la réflexion qui l'accompagne.
S'attachant à rendre au «travail de deuil» toutes ses lettres
de noblesse dans son lien spécifique à la mort d'un être aimé,
et pour lutter contre les généralisations abusives et infondées,
cet ouvrage propose une description exhaustive des principaux
mécanismes psychiques à l'oeuvre dans le deuil. En complément de
l'apport freudien apparaissent alors des dimensions plutôt inédites
ou taboues comme la créativité en période de deuil, la transformation
du lien à l'objet perdu par le travail d'identification, ou la
co-excitation sexuelle qui accompagne la perte.