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La nuit, il n'y a plus de troupeau. Il n'y a que des individus.
La pression se relâche. Et je marche la nuit. Je marche dans Paris. Je
me sens tellement dépouillé. Mon père vient de mourir. La fille que
j'aime est prise. J'ai dix-sept ans et au lieu de m'amuser, je n'arrête
pas de sentir des choses louches. Comme si quelqu'un me suivait.
Un zombie. Et une odeur. Je n'arrête pas de penser à ce qui se passe
dans un cercueil. Celui où repose mon père.
J'attends que Zita m'appelle. Toutes les nuits, elle va danser.
Elle prend des suppositoires et des comprimés. Je la trouve si belle.
Même quand elle vomit.
La vie est un bric-à-brac. Je pourrais faire la liste des images
spéciales de cet été-là : un chien empaillé qu'un jeune homme à
cheveux blancs tient en laisse. Un cimetière italien avec un orgue
où les gaz des cadavres se changent en musique. Les suppositoires
de ma bien-aimée. Un livre de médecine légale. La pipe de mon
père, désormais inutile. Un chien vivant qui pousse des soupirs.
Les fesses de Zita, tellement rondes et serrées.
J'ai quand même vécu quelques belles nuits dans ce désordre.
Parce que j'ai tout de même couché avec Zita. Mais la conséquence
de nos étreintes, je ne l'ai découverte que quinze ans plus tard. Par
hasard.