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En l'an 1613, les habitants de Falon portent plainte au
bailliage de Vesoul contre leur seigneur. Ils ont toujours dansé
le jour de Pentecôte dans un pré, de leur plein gré, et non
sur injonction seigneuriale. Là est l'objet du litige et le point
de départ de cette enquête dans le monde des redevances
seigneuriales curieuses : un baiser à la porte du château, une
course de quintaine pour les jeunes gens et les nouveaux
mariés, l'obligation de contrefaire l'ivrogne, le partage du
plat de noces avec le seigneur... Comment nommer ces droits,
comment qualifier les faits pour pouvoir juger ? Droits bizarres,
diront les juristes. Les seigneurs ont-ils vraiment les titres requis
pour s'en prévaloir ? Ils devront le prouver.
Car, à partir de la mise en écrit des coutumes entamée en
France depuis le milieu du XVe siècle, s'amorce une réflexion
sur le champ de compétence, le contenu et les catégories du
droit coutumier, et en particulier sur les droits seigneuriaux.
L'enquête menée ici sur une foison de cas surprenants
s'oriente alors vers la manière dont les juristes, dans leur travail
d'interprétation, ont tenté de penser la féodalité (et le
droit féodal) jusque dans ses formes rituelles, les «vaines
cérémonies» dont parlait Marc Bloch. L'écriture du droit offre
ainsi une grille de lecture magistrale pour rendre compte du
passage de la féodalité à la modernité : le nouveau statut de
la preuve mis en place au XVIe siècle et le formalisme juridique
ont bien leur part dans la construction de l'État monarchique
moderne.