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Combien de prisonniers et de requis du travail français, pris au piège de l'amour,
furent expédiés en camp de concentration tandis que les femmes allemandes, coupables
d'avoir avec eux «souillé la race», moururent à Ravensbrück ?
La France a fourni au IIIe Reich, avec la Russie et la Pologne, le plus gros contingent
de travailleurs. Contraints et forcés par les lois de Vichy imposées par l'occupant, près
de deux millions de prisonniers de guerre français - les KG - et un million de requis
du travail - les STO - ont travaillé dans les usines, les ateliers et les fermes du Grand
Reich. Dès 1940, la Gestapo promulgua un décret selon lequel «les prisonniers de
guerre français pris à des relations sexuelles avec des jeunes femmes allemandes
devaient être punis de mort, de même que les prisonniers polonais». Les peines
qui furent infligées aux KG ou aux STO équivalaient souvent à la mort. Les femmes
allemandes prises en faute suite à des dénonciations et des commérages subirent des
interrogatoires musclés. Parfois tondues et exhibées dans les rues sous l'oeil vigilant
de la Gestapo, elles finirent souvent leurs jours en camp de concentration. Même si
certaines mères parvinrent à fuir ou à se cacher avec leur bébé, la majorité des enfants
de ces couples infortunés furent voués à l'éducation nationale-socialiste s'ils avaient
l'air «aryen», ou discrètement éliminés. Beaucoup de jeunes requis du travail et de
prisonniers français, coupés de leur patrie, astreints à des travaux épuisants et souvent
dangereux ont malgré tout trouvé le reconfort auprès de femmes du pays ennemi.
Leurs amours furent une autre façon de dire «non» à Hitler.
Aujourd'hui, des milliers d'enfants et de petits-enfants d'anciens KG et STO vivent
en Allemagne et, pour un petit nombre, en France. Comme pour son précédent livre,
Enfants maudits, consacré aux enfants nés de liaisons clandestines entre de jeunes
appelés de la Wehrmacht et des femmes françaises, Jean-Paul Picaper donne ici la
parole à ces enfants d'outre-Rhin. Le Crime d'aimer raconte leur calvaire dans l'univers
démentiel de la dictature hitlérienne : des tragédies, quelques petits bonheurs, mais
surtout des vies dévastées. Au regard des centaines de dossiers et d'archives inédites
du IIIe Reich qu'il a étudiés, l'auteur nous fait découvrir des aventures humaines
bouleversantes qui balisent les lourdes pages de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale.