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Guerric d'Igny (1070/1085 ?-1157), abbé cistercien de Notre-Dame
d'Igny en Champagne, rédigea pour ses moines
cinquante-quatre sermons pour l'année liturgique, de l'Avent
à la Toussaint. Son recueil transmis à la postérité avec les
sermons de Bernard de Clairvaux connut, de ce fait, une
large diffusion perceptible jusque dans les écrits de certains
réformateurs du XVIe siècle. Pourtant, le recueil de Guerric
comporte des incohérences et des audaces : l'abbé a sans
doute souhaité léguer à ses frères, en filigrane, la relation de
son expérience de Dieu. L'étude systématique du recueil en
montre alors la cohérence interne : s'appuyant sur la tradition
reçue de Bernard de Clairvaux, Guerric dévoile à ses frères
comment «le Christ se forme en eux», comment le Christ-Parole
s'enracine dans leur coeur comme un embryon, se
développe comme un foetus, comment il participe à la Cène
avec sa mère-moine, comment, enfin, il s'épanouit en parole
annoncée aux frères dans la délivrance de l'accouchement.
L'attention à la solitude et au silence cisterciens permet
d'éviter fausse couche et naissance prématurée, avec l'aide
de Marie qui, dans ce processus, aide le moine à enfanter,
favorisant la parturience du Verbe. L'ancien écolâtre de
Tournai devenu disciple de Bernard de Clairvaux traduit
son expérience d'enfantement du Christ avec une grande
maîtrise théologique et réinterprète avec originalité le thème
patristique de la maternité du chrétien.