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"J'avoue tout ce que vous voulez. Avoir transformé
en mastose le nom que vous m'aviez donné, en
nodule l'objet de vos plaisirs, en tumeur le lait que je
devais sécréter. J'avoue avoir contracté la maladie
totalitaire, l'anarchie des cellules, l'irrédentisme biologique
et culturel. J'avoue tout ce que vous voulez
puisque vous avez en main toutes les preuves : ces
fleurs de chair que j'ai produites pour fabriquer un
peu de vie entre vos mots.
Vous n'écoutez pas ce que vous dit la maladie que
vous n'osez même pas nommer. Le long et douloureux
dialogue de sourds des deux moitiés du
monde. Vous croyez irrationnel tout ce qui vous
échappe : la fusion, l'archaïsme, la grande Mère et la
mémoire du monde. Vous vous instituez les gestionnaires
d'une matière première dont vous prétendez
contrôler les entrées par la procréatique et les sorties
par l'euthanasie. Entre les deux pourtant, bat encore
le coeur du temps, tout ce qui vous échappe et que
vous réduisez à sa formule chimique, l'être vivant lui-même,
un organisme organisé, qui lutte et souffre
pour échapper à la destruction que vous lui imposez.
Ecoutez ce que disent ces boucs émissaires sur lesquels
vous jetez la mort pour vous en délivrer. Ecoutez-les
dire la jouissance du corps commun. Ecoutez
ces voix où s'entremêlent parole, essai, littérature.
Cette forme-là c'est le cancer".
J.H.