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Étrange exercice, pour un homme qui aura consacré l'essentiel
de son temps valide à l'écriture, que celui qui l'amène à
considérer son travail selon une perspective inattendue,
aussi irréfutable qu'insoupçonnée. À découvrir que parmi la
somme de textes élaborés au long d'une vingtaine d'années,
certains, en dépit de leur disparité s'appellent les uns les
autres pour articuler la cohérence d'un livre.
Cette unité est le fruit d'une épreuve irréductiblement singulière
et pauvrement commune, celle de la maladie. Que cette
maladie soit celle qui endeuilla la fin du siècle précédent
aussi terriblement qu'elle le fait de l'aube de celui-ci ne
retire rien à l'universalité de l'expérience. La douleur, si elle
peut connaître une infinité de causes, n'a de raison première
qu'elle-même, et la nudité sans faille de qui l'endure.
Au coeur de la nudité qui fut la mienne, la poésie a posé des
jalons, points lumineux dont les halos se sont élargis jusqu'à
composer un chemin à la destination déconcertante.
Carnet de bord d'une agonie annoncée, puis différée, et enfin
surmontée, ce Carnet d'exténuation est celui d'une agonie au
bout du compte mise en échec, d'une exténuation menée
jusqu'à l'exténuation d'elle-même.
Jusqu'à la vie peut-être, contre toute attente, et quand bien
même tardivement, de nouveau grande ouverte.