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Fils d'un commerçant de Kaboul, Mortaza Jami a passé son enfance entre l'Iran et l'Afghanistan, au gré de l'avance des talibans et des rivalités interreligieuses qui ont bouleversé la région depuis l'invasion soviétique de 1979. En 2008, victime d'une fatwa et sous le coup d'un mandat d'arrêt, il décide de quitter son pays et de gagner l'Europe. Commence alors une longue errance, dont le but est encore incertain : Canada, Allemagne, France ? À travers les montagnes du Kurdistan, la Turquie, la mer Egée, l'Adriatique, les Alpes, en camion, en bateau, à pied ou en train, il parvient enfin à gagner le territoire français, et le square Villemin où, dans le 10e arrondissement de Paris, se retrouvent les réfugiés qui ont connu des parcours semblables au sien.
Ce témoignage inédit est le récit de cette épreuve initiatique, qui est d'abord un formidable défi personnel. Et puis il y a l'émerveillement, la stupeur et l'ironie devant les réalités d'une société d'accueil dont la langue, les moeurs, les coutumes et les codes, qu'il s'approprie peu à peu, sont pour lui d'une totale étrangeté.
« Un camion de policiers est arrivé à notre hauteur. L'un d'eux m'a pris par le bras en me disant : " Afghan ? " J'ai répondu " Non ! Yunan. " Dans notre langue, Yunan veut dire Grec. Il ne m'a pas cru et m'a ordonné de monter dans leur camion. Mais je n'ai pas eu peur : je savais qu'en Europe, on ne tire pas sur les gens, ce n'est pas comme en Iran, au Pakistan ou en Turquie. Je me suis débattu, j'ai sauté par-dessus un petit mur et je me suis enfui dans la montagne avec les autres. Les policiers ont appelé du renfort. Si nous restions dans le coin, ils allaient sûrement faire des battues et nous retrouver. Il fallait continuer à tout prix. »