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Bien décidé à faire fortune au nez et à la barbe de tous
ceux qui le méprisent, Jean, enfant de piètre condition,
disparaît à l'âge de quatorze ans de son village. De colporteur-arnaqueur
à vendeur de parapluies, rien ne lui fait
peur et c'est finalement le commerce du vin qui fera de lui
un notable reconnu. À son retour au pays en compagnie
d'Antoine, son neveu et fidèle secrétaire, sa grande richesse
désormais impressionne et impose le respect. Tant et si bien
qu'il réussit le tour de force d'embarquer tous ses compatriotes
dans ses projets les plus fous. Ici débute la légende du
truculent et hâbleur Gaye-Bordas...
«Parti pauvre et bâtard, je reviens
marié et riche. Très riche. Et ils me
mangeront dans la main...»
Je concourais à la gloire et au mythe de cet homme audacieux,
charismatique et généreux, qui m'avait pris en amitié.
J'y trouvais aussi une satisfaction morale : cet enfant sans
vrai nom qu'aucun père n'avait revendiqué, que le pays
avait méprisé jusqu'à ne pas l'inscrire sur l'état civil, cet
enfant dédaigné revenait auréolé de mystère et d'argent
et alimentait toutes les conversations du plateau, dans les
pâtures comme dans les fermes enfumées, autour des tables
des auberges, dans le fond des églises et sur les bancs des
conseils communaux. J'en faisais un conquérant, un habile
parmi les habiles, un grand initié des salons et des pratiques
commerciales. De toutes mes forces, j'en rehaussais la gloire,
j'oeuvrais à sa résurrection, sociale, j'annonçais déjà la Pâque
de l'oncle réprouvé.