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En 1939, Henri Michaux, alors âgé de quarante ans, publie un opuscule intitulé
Peintures qui voit associés des textes poétiques à quelques gouaches étranges où
apparaissent figures fantomatiques et autres têtes monstrueuses peu conformes
aux canons esthétiques de l'époque. L'auteur, déjà remarqué, d'Ecuador ou
d'Un barbare en Asie «peint depuis peu», comme il l'écrit en tête de son livre,
ajoutant qu'en se mettant ainsi tardivement à dessiner, il est comme l'enfant qui
apprend à marcher.
Quelque temps plus tôt, il a découvert que l'art pictural ne se cantonnait
pas à un simple mimétisme de la réalité, que des artistes comme Paul Klee ou
Max Ernst avaient ouvert la voie à un art de l'imaginaire, à une exploration du
monde intérieur dont Michaux va faire son principal objectif. Des tout premiers
Alphabets de 1925 jusqu'à sa mort en 1984, Michaux va peindre et dessiner
sans cesse et mener ainsi, parallèlement à son oeuvre d'écrivain, une action de
«déconditionnement» à l'égard du verbal.
Longtemps méconnu, son oeuvre de peintre est aujourd'hui célébré, en
particulier les grandes peintures à l'encre de Chine, réalisations de la période la
plus aboutie, qui s'efforcent, selon Francis Bacon, «d'atteindre à une nouvelle
définition de la figure humaine» dont l'expérience des hallucinogènes, transcrite
dans les dessins mescaliniens, pousse plus loin encore l'interminable recherche.
Cet ouvrage, nouvelle version de la monographie parue en 1993, restitue
étape par étape l'oeuvre de Michaux en la replaçant dans l'art de son temps et
en dégageant son autonomie plastique.