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L'Église, famille de Dieu
Que l'Église soit, selon la tradition la plus ancienne, « le Corps du Christ », « le Temple de l'Esprit-Saint », « la Maison de Dieu », nul théologien n'en doute. Mais qu'en est-il d'une « Église, famille de Dieu » ? Cette expression, qui peut paraître insolite à beaucoup, apparaît discrètement dans certains textes du Concile Vatican n et P. Appiah-Kubi en fait un relevé rigoureux. Dans la décennie qui suit la fin du Concile, l'Église de Haute-Volta (aujourd'hui Burkina Faso) adopte avec enthousiasme cette approche du mystère de l'Église et s'ouvre largement à une pastorale des « petites communautés ecclésiales de base ». Mais c'est lors de l'Assemblée synodale des Églises d'Afrique (1994) que l'appellation Église, famille de Dieu, obtient une sorte de consécration officielle et se révèle comme un apport original des Églises d'Afrique à l'ecclésiologie.
Au terme d'un travail de recherche poursuivi avec acharnement pendant des années, l'auteur nous offre un ouvrage d'une grande densité. Il ne se contente pas de mettre en lumière les fondements scripturaires d'une Église, famille de Dieu, d'en souligner les lignes de force : la paternité de Dieu, le don du Fils unique en qui se fonde, dans la communion de l'Esprit, la fraternité qui rassemble la Famille de Dieu. Il en montre aussi les exigences et rappelle avec force que certaines d'entre elles sont aujourd'hui oubliées. De quelle fraternité une Eglise peut-elle se réclamer alors que l'Eucharistie, qui en est la source et le signe, est inaccessible à beaucoup, faute de ministres pour la célébrer, alors que des dispositions juridiques en matière de mariage, élaborées sous d'autres cieux, en interdisent l'accès au plus grand nombre ? Et comment parler de famille de Dieu lorsqu'on revendique haut et fort les droits de l'ethnie ou de la terre et qu'à tout prendre, il ne fait de doute pour personne qu'en Afrique (et ailleurs !) « le sang pèse plus lourd que l'eau (baptismale) ».
A en croire le théologien nigérian E. E. Uzukwu, « il est temps pour l'Église de Rome d'écouter les Églises d'Afrique et pour les Églises d'Afrique d'écouter le peuple ». Et s'il est vrai que le baptême enfante chaque année pour Dieu des centaines de milliers de fils, il leur reste à apprendre à vivre en frères universels, au sein de la Famille de Dieu. Cela demande un long apprentissage.
R. L.