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La dénutrition et la malnutrition affectent les régions qui ne disposent pas d'une
alimentation suffisante et variée. Plus généralement, elles touchent les populations
pauvres des pays marqués par de fortes inégalités sociales, quelles que soient les
potentialités agricoles locales. En Équateur, ce fléau frappe plus de la moitié de la
population. Jacqueline Peltre-Wurtz en a recherché les causes puis les effets
concrets : à Quito, elle a suivi au quotidien douze familles pauvres pour qui manger
est un combat constant. Leur témoignage, et particulièrement celui des femmes
dont les visages ouvrent ce livre, montre comment ces familles parviennent à survivre
dans la très grande précarité.
Une géographie des productions alimentaires et des importations de l'Équateur
établit que le pays dispose théoriquement, depuis 1985, d'une ration calorique optimum
qui devrait protéger ses habitants de la sous-alimentation, mais qu'on y
manque toujours de légumes verts, de légumineuses et de tubercules pour que cette
ration soit équilibrée. Néanmoins, c'est avant tout la pauvreté qui empêche la plus
grande partie de la population d'accéder à une alimentation convenable.
Près de deux années d'enquêtes précises, réparties sur plus d'une décade,
démontrent que les douze femmes rencontrées à Quito réalisent des prouesses pour
nourrir au mieux leurs familles. Mais leur combat dépasse largement ce cadre.
Dans ces familles, adultes et enfants rêvent de devenir des gens ordinaires pour qui
manger ne serait plus un souci lancinant. Ils veulent être reconnus sous d'autres étiquettes
que celle de la pauvreté : les adultes sont fiers des métiers qu'ils exercent,
de la maison qu'ils parviennent parfois à construire, de leurs enfants scolarisés, dont
pas un n'a été abandonné. Dans tous ces domaines, ils tentent d'accéder à la dignité
tant recherchée des vrais citoyens, qui ont des devoirs mais aussi des droits.
Douze ans après les premières enquêtes, seules deux familles semblent être sorties
de la pauvreté. Les autres résistent toujours ensemble à la misère et c'est déjà
une victoire. Pour elles, c'est bien la cellule familiale qui est le dernier rempart
contre la pauvreté.