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Depuis quelques années, l'Asie du Sud-Est est touchée, à son tour, par
le phénomène de «commercialisation du religieux» (religious commodification).
On y constate l'apparition de prédicateurs qui font l'éloge de la
richesse pieuse, de banques islamiques, mais aussi d'entreprises déclarant
fonctionner selon les principes éthiques du Coran, ou encore de complexes
immobiliers où port du voile et prière commune sont de rigueur.
Cette nouvelle confluence des champs économique et religieux insuffle
une dynamique inédite au débat fondateur initié par L'Éthique protestante
et l'esprit du capitalisme de Max Weber au début du XXe siècle.
L'Indonésie, le plus grand pays musulman au monde par sa population,
est l'un des principaux lieux de cette effervescence spirituelle initiée
par l'avènement d'une nouvelle classe moyenne musulmane. Le cas de
l'archipel est d'autant plus intéressant qu'il s'articule autour de la rivalité
historique entre les hommes d'affaires indigènes (pribumi) et les entrepreneurs
de la minorité sino-indonésienne, parmi lesquels nombreux sont les
convertis au protestantisme évangélique. Dans le cas des communautés
diasporiques chinoises, il a été suggéré que la structure familiale, la solidarité
ethnique, les croyances culturelles et religieuses peuvent constituer un
avantage dans le processus de développement économique. La question
est alors de savoir si l'islam représente également un capital spirituel et
social sur lequel l'entrepreneur musulman peut se reposer.
Cet ouvrage se concentre sur deux objets d'étude : d'une part, la
Muhammadiyah, la grande organisation de l'islam réformiste, créée en
1912 et comportant plusieurs millions de membres et de sympathisants,
qui a tenté d'adjoindre à ses fondations caritatives une dimension lucrative
à partir des années 1990 ; d'autre part, les réseaux d'entrepreneurs de la
prédication qui représentent le plus clairement l'orientation économique
adoptée récemment par l'Islam indonésien. Pour déterminer comment
s'effectue cette «greffe» du capitalisme, l'auteur s'appuie sur les outils proposés
par la nouvelle sociologie économique, adoptant une approche à la
fois culturaliste et structuraliste du développement. Il décrit ainsi comment
s'opère le processus de négociation constante qui aboutit à l'élaboration
d'une «économie morale» (moral economy) au sein du monde musulman.
Ce livre a obtenu le prix Jeanne Cuisinier 2011.