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A Nouméa cohabitent deux villes entremêlées et antagonistes : la ville
blanche, fief européen produit par la colonisation du pays, et celle des
«squats» océaniens, comme on appelle localement les quartiers d'habitat
spontané. Dans la mouvance des Accords de rééquilibrage politiques de
Matignon-Oudinot signés en 1988, des familles kanak habitant à Nouméa,
rapidement suivies par des familles océaniennes pauvres, se sont
progressivement installées sur les vastes terrains en friche de la ville et
du bord de mer. Elles y ont aménagé des cabanes en tôle et des jardins
vivriers, puis se sont organisées politiquement : sur le territoire des squat
prévaut l'autorité foncière et politique kanak.
Ce nouveau mode de vie, perçu par les Kanak longtemps exclus de
la ville, et par les autres Océaniens, comme une promotion sociale, a été
unanimement réprouvé et combattu par le pouvoir local européen. Le
livre montre que la conquête d'un droit de cité s'est finalement réalisée
pour les Kanak au moins sur le plan symbolique par la construction du
grandiose Centre culturel Tjibaou.
Dans cet ouvrage, Dorothée Dussy décrit et analyse les mécanismes
de production de l'espace à partir d'une méthode originale qui combine
trois lectures successives de Nouméa : sociologique et géographique en
confrontant la ville informelle des squats à la ville institutionnelle ; historique
à travers des projets et des réalisations urbanistiques, de la fondation
de la ville jusqu'à aujourd'hui ; et enfin une lecture anthropologique,
montrant les enjeux politiques et symboliques dont la ville est investie par
chacune des communautés ethniques en présence. L'espace urbain, ses
habitants et leur projet sont ainsi décrits comme un ensemble composé
d'interactions multiples.