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Le «Togo, terre de refuge», comme cela a été beaucoup dit ? En
vérité, l'Histoire du Togo de R. Cornevin (1962) semble faire l'apologie
des migrations à travers une formule restée célèbre dans les écoles primaires
du pays : «Les éléments venus de l'est..., les éléments venus de
l'ouest..., les éléments venus du nord...», donnant l'impression que le
Togo serait une terre de refuge pour les populations faibles, repoussées
par des agresseurs militairement plus forts.
C'est là une vision bien trop schématique du passé. Quel territoire au
monde n'a pas été «une terre de refuge» à un moment ou à un autre
de son histoire ? A l'origine de toute nation, il y a souvent un amalgame
de groupes d'origines diverses, et seule une communauté de vie
sur le même territoire à travers plusieurs siècles ainsi que l'adhésion
à des valeurs communes conféreront à ces groupes, jadis hétérogènes,
la qualité de citoyens d'une même nation, une et indivisible. Manquant
de cette profondeur historique, les ex-territoires coloniaux souffrent par
conséquent de ce déficit d'histoire commune ; ce qui donne l'impression
que ces pays ne sont qu'un agrégat de peuples (l'expression est
de Louis XIV, plus de mille ans après Clovis), d'origines et d'intérêts
divers.
Le territoire aujourd'hui togolais, comme tous les autres à travers le
monde, a connu une évolution historique complexe. Des facteurs exogènes
ont progressivement poussé des populations qui vivaient en symbiose
stable avec leur milieu naturel, en équilibre social sans conflits
majeurs, à entrer dans une histoire où s'affrontent des regroupements
territoriaux, avec des structures sociales de plus en plus diversifiées et
hiérarchisées. Mais le progrès des États est-il vraiment celui du bonheur
des peuples ?