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Le passage à l'indépendance politique, qui se prépare en
Afrique dès les années 1950, marque aussi, dans le domaine
de la recherche en sciences sociales, une étape dans un processus
déjà engagé depuis l'entre-deux-guerres. Mais l'indépendance
des institutions ne signifie pas pour autant une dynamique
d'autonomie scientifique et intellectuelle. Certes les contestations
académiques de l'ordre impérial sont d'abord apparues dans les
métropoles, mais les remises en cause africaines ont répondu à
leurs propres perspectives. L'une des formes de cette maturation
est l'apparition de traditions nationales spécifiques. Le cas du
Sénégal est notamment analysé de ce point de vue.
Deux thématiques méritent l'attention : les cultures ordinaires
de la production des savoirs (la nature de l'écriture, des sociabilités
professionnelles et des modes d'enquête) d'une part et l'historicité
des disciplines (philosophie, anthropologie) et des théories (le
marxisme notamment) d'autre part. Les exemples sont puisés aussi
bien en Afrique francophone qu'en Afrique orientale et australe,
anglophone et lusophone.
Le lecteur ne trouvera pas dans cet ouvrage, publié à l'occasion
du cinquantenaire des indépendances, un bilan exhaustif, mais
une approche critique, sans doute dérangeante, des nombreuses
illusions panafricaines, ethno-nationalistes et postcoloniales qui
persistent encore dans les études africanistes africaines, victimes,
depuis plus d'une décennie, du double piège de la consultance
pour le développement et de l'émigration mandarinale en Amérique
du Nord.