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Écrit à l'occasion du troisième centenaire de la congrégation du Saint-Esprit
(1703-2003) - donc avant l'épouvantable catastrophe du tremblement
de terre du 12 janvier 2010 - le livre d'Émile Jacquot témoigne des
liens très forts qui unissent depuis le milieu du XIXe siècle la congrégation
du Saint-Esprit avec Haïti.
La première partie du livre a le mérite de revisiter l'histoire de la christianisation
en Haïti au XIXe siècle à travers un cas à la fois particulier
et extrêmement significatif : celui des Spiritains. Il livre finalement des
«chroniques» pleines de vie, qui permettent de bien comprendre les
difficultés et les enjeux de l'évangélisation sur le terrain.
Dans la seconde partie de l'ouvrage, l'auteur évoque des événements et
des personnages qu'il a lui-même connus. C'est donc un témoignage de
première main sur une histoire encore peu ou mal connue que nous livre
ici Émile Jacquot. Et à travers ce passionnant récit, c'est toute l'évolution
récente de la grande île qui se dévoile, tant la place de l'Église catholique
est essentielle au coeur d'un État encore largement en construction. Émile
Jacquot sait trouver le ton juste pour évoquer une histoire terrible, marquée
par la violence, l'exploitation des plus démunis, et le renoncement
ou la corruption des élites.
Certes, il ne dissimule pas son admiration pour un Antoine Adrien,
Spiritain haïtien porté par l'esprit de la conférence de Medellin, pas plus
qu'il n'omet de signaler l'attitude pour le moins ambigüe de certains
évêques. Mais il prend soin de replacer les positions individuelles dans
un contexte plus large : frustrations de certains prêtres haïtiens face à un
paternalisme réel ou supposé des missionnaires européens, instrumentalisation
constante du spectre communiste, ingérences répétées des États-Unis,
tentations autoritaires au sein de l'institution catholique...