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Par un soir d'hiver glacial, Joseph Esperandieu attend
l'autocar qui doit l'emmener de Paris à Prague. L'attente
l'emporte inéluctablement sur les chemins d'une enfance
tourmentée, dans les années 1960, lorsque avec sa soeur
Marjolaine, il fut placé chez son oncle Roland et sa tante
«Sournoise». Enfance d'humiliation et de fureur, où la
bêtise crasse, voire la perversion, le disputent au dénuement
et à la solitude. Un combat incessant au milieu de
déchaînements de violence avec, pour seuls havres de paix,
l'école de madame d'Ablancourt, la campagne, le jardin,
les jeux de billes et Titus le manouche... Si Nuit d'hiver
est un roman d'initiation, c'est celle de l'invention de soi,
comme un art de vivre mais surtout comme un combat...
car «les enfants ne se résignent jamais à la réalité».
Dans un village d'Ile-de-France, une enfance
entre l'attelage de chevaux et les premières
files d'automobiles du dimanche soir.
C'est simple. L'homme se trouve aux prises avec une bûche
qu'il ne parvient pas à fendre. D'un oeil rageur, il avise un
demi-rondin énorme qui trône à la verticale sur la terre
battue où essaiment des copeaux. Sans le regarder et lui
désignant la pièce de bois du menton, l'homme commande
d'une voix douce au garçon : «Joseph, tu te mets là et tu
empognes le coin comme ça - il lui montre -, avec tes deux
mains, t'as compris ?» Épouvanté assurément, l'enfant
dissimule sa peur en acquiesçant par de petits hochements
de tête. Muet tout à fait, il obtempère aussitôt