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Au tournant du XXIe siècle, le cinéma hollywoodien connaît une inflation sans
pareille de réalisations qui offrent au spectateur deux ou plusieurs mondes. Matrix,
Inception ou Sucker Punch ont contribué à définir et à populariser une catégorie de
films obéissant à une conception proprement mondaine du cinéma, qui tend à subordonner
l'organisation narrative à la construction et à l'exploration d'univers.
Il n'est guère étonnant qu'à l'ère de la généralisation du numérique, le cinéma
dominant soit travaillé, en particulier dans le genre de la science-fiction, par la question
des usages de la technologie. Partant de ce constat, cet essai entreprend d'élaborer
un cadre théorique adapté à ce corpus à travers l'analyse de nombreux films
tels que Jurassic Park, Dark City, Avatar, Source Code ou ceux issus des franchises «Resident
Evil» et «Matrix». L'extension résultant de la multiplication des mondes est
notamment pensée à partir de l'étude de deux productions télévisuelles, les séries
Lost et Fringe. Les récents Total Recall : mémoires programmées et Tron : L'Héritage y
sont comparés aux films dont ils déploient le monde. Des liens sont tissés autant
avec des oeuvres littéraires de science-fiction dues à Philip K. Dick ou Daniel F. Galouye
qu'avec les nouveaux modes d'immersion proposés par les produits de l'industrie
des jeux vidéo. La dimension esthétique des films à mondes multiples est envisagée
au niveau du montage (Je t'aime je t'aime) et de l'hybridité qui caractérise la facture
même de l'image (Pleasantville, Kafka, Avalon).
L'auteur montre comment les «machines à mondes» dont se servent des figures
démiurgiques dupliquent, à l'intérieur du film, certaines composantes du dispositif
cinématographique, et occasionnent des «mécaniques» narratives complexes. Il se
penche sur les rouages de la création d'univers filmiques pour les appréhender dans
leurs implications esthétiques, anthropologiques et idéologiques. Le propos s'articule
autour de plusieurs axes : l'expression de la subjectivité et la construction de la
mémoire, le monde-simulacre de la cyberculture, la figuration de singuliers espaces
insulaires ou urbains, ou encore le fantasme, propre à l'Amérique post-11 septembre,
d'un univers alternatif dans lequel l'attentat terroriste a pu être désamorcé.
Cinéma, machine à mondes propose au lecteur d'être de ce voyage auquel nous
invitent des films qui sondent les possibles de nos «réalités» d'aujourd'hui.