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À la fin des années 2000, la sociologue Marlène Benquet a
mené pendant trois ans une enquête dans une des principales
entreprises françaises de grande distribution : d'abord devenue
caissière, elle a ensuite fait un stage au siège du groupe et un
autre au sein de l'organisation syndicale majoritaire. C'est le
résultat de cette enquête qu'elle restitue dans ce livre, stupéfiant
par ce qu'il révèle sur les «dessous» de la grande distribution.
L'identité des fondateurs («des épiciers») a été bouleversée
par l'arrivée de nouveaux actionnaires financiers : le management
par la promotion a largement disparu, et l'ensemble des salariés
accepte mal ce qu'ils vivent comme une perte d'autonomie et une
insécurité grandissante. Dès lors, pourquoi acceptent-ils
d'«encaisser» ces réorganisations fragilisantes ?
Pour mieux comprendre, il fallait vivre leur vie : «Je voulais
savoir ce que cela faisait d'être caissière pour comprendre pourquoi
elles ne se révoltaient pas ou, en tout cas, moins que dans
d'autres secteurs professionnels.» Au sein du siège, le cloisonnement
est de règle : les badges ne donnent accès qu'à l'étage
où est situé son propre bureau, impossible de se déplacer dans
d'autres services sans une bonne raison, les informations
circulent peu et mal. Quant à l'organisation syndicale majoritaire,
comment a-t-elle réussi à s'implanter ? Comment contribue-t-elle
à la paix sociale ?
Ni l'«adhésion» ni la répression ne suffisent à expliquer pourquoi
les salariés s'investissent dans leur travail malgré un environnement
oppressant et des rémunérations peu motivantes.
Plus proches de la technique d'un joueur de go que d'un amateur
d'échecs, les stratégies patronales neutralisent les salariés,
mais ne les soumettent pas.