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Le storytelling des hommes politiques et son décryptage compulsif
par les médias sont devenus en quelques années les deux
mamelles d'une démocratie envoûtée, qui a substitué le récit à
l'action, la distraction à la délibération, le stage craft (l'art de la
mise en scène) au state craft (l'art de gouverner). La politique est
passée de l'âge de la joute à celui de l'interactif. Du storytelling à la
performance narrative, de la diversion à la dévoration des attentions.
L'homme d'État apparaît de moins en moins comme une figure
d'autorité, une instance productrice de normes et de plus en plus
comme quelque chose à consommer, un artefact de la sous-culture
de masse.
C'est là le résultat d'une certaine impuissance à exercer le pouvoir,
sous l'effet conjugué du néolibéralisme et des nouvelles technologies.
Désacralisé, profané par les médias, ridiculisé par les
marchés, soumis à la tutelle des institutions internationales et des
agences de notation, l'État est désormais ce trou noir qui aspire ce
qu'il reste du rayonnement du politique. L'homo politicus y apparaît
non plus comme le porteur du changement annoncé, mais comme
un spectre éclairé par les flammes de sa propre dévoration.
La com' politique ne vise plus seulement à formater le langage,
mais à capter et à plonger les esprits dans cet univers spectral
dont les hommes politiques sont à la fois les performers et les
victimes...