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«- Guérillero ? C'est la seconde plus vieille profession du monde !
Paralier jette un regard de biais à Ardouin pour l'inviter à rire
avec lui.
- Un bain de sang qui a commencé en 1948, tu peux imaginer ?»
Le gouvernement colombien a rompu les négociations en cours avec
les FARC. Cette terrible guérilla vient d'enlever Ingrid Betancourt.
L'élection présidentielle se profile, dont est favori un dur, un certain
Álvaro. De l'étranger, comme Paralier et Ardouin, les journalistes
arrivent à Bogotá. Loin, très loin du fleuve, soit dit en passant...
Il est là-bas, le fleuve, tout sombre entre des rives envahies par une
forêt qui paraît posée sur l'eau. De temps à autre, égarée dans
l'exubérance de ce fouillis végétal, une petite agglomération amphibie
construite sur pilotis surgit - à l'image de Vistabonita. De pleines
embarcations de guérilleros y accostent régulièrement. Ils vont
et viennent au coeur du village, fixent le cours de la coca, prônent
la révolution. Certains habitants fraternisent, comme Estefania,
l'institutrice, ou Camilo et Juan Carlos. Tous ne partagent pas leur avis,
loin de là - posez donc la question au maire Petro, à don Pablo ou
à Velásquez, le patron de la cantina - exaspérés par les méthodes des
insurgés. Manuel le raspachín, lui, cultive la coca, sans trop se soucier de
savoir à qui profite le trafic : il est amoureux de Jenny, la petite guérillera
qui a troqué son balai et une vie de misère contre une AK-47.
Ainsi va la vie, dans ce hameau où les familles se connaissent,
s'apprécient, mais aussi se surveillent et se haïssent parfois. Jusqu'à
ce que, lors d'une journée si suffocante qu'elle vous coupe la respiration,
éclate la terrible nouvelle : «Du nord déboulent les paramilitaires ! Les
pue-la-mort nous foncent droit dessus !»
Cette nuit-là, personne ne dort, personne ne mange, personne ne boit.
Quelque chose de terrible va se passer ici.