Read more
Le passage de l'esthétisme au modernisme dans les oeuvres de
Théophile Gautier (1811-1872) et d'Ezra Pound (1885-1972) est
ici envisagé au regard d'un XXe siècle naissant qui voit la
concordance d'une redéfinition de la littérature et de l'émergence
du courant moderniste. Face aux changements profonds d'une
société marquée par la Grande Guerre, la revendication d'un make
it new est ainsi résolument inscrite au coeur d'une esthétique et
d'un discours modernistes. Pour autant, l'apparition de nouvelles
techniques artistiques que ces bouleversements inaugurent ne
peut laisser l'artiste moderniste insensible qui, face à cela,
interroge l'esthétique du siècle passé : l'importance du style, de la
voix poétique et de l'objectivité fait l'objet d'une reconsidération
particulière.
Dans la perspective de ces constats, cet essai considère les
enjeux de questionnements esthétiques - tels que le phénomène
de l'extériorité littéraire, le statut du poète-critique, la dialectique
avant-gardiste, l'image poétique et plastique, ou les "sites de
passage" que sont Paris et Venise - pour démontrer, tant dans les
oeuvres de Gautier que dans celles de Pound, une primauté de l'art
érigée avec acharnement contre la puissance montante d'une
culture de masse. Déterminante dans la définition du modernisme,
la correspondance entre art plastique et littérature est ainsi établie
sous le prisme d'un art traversé par une crise de la représentation
de l'artiste et de la réalité empirique. Ceci ouvre l'hypothèse ici
soutenue d'une modernité partagée entre esthétisme et
modernisme qui, sous l'éclairage des deux poètes, caractérise les
ambiguïtés historiques et théoriques de ce temps de transition.