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Alors que se développait en Europe la vision mythique d'un Tibet
tolérant et mystique, les prêtres français des Missions étrangères de
Paris, envoyés à la conquête du Toit du monde, se heurtèrent à une
violente opposition de la part des autorités lamaïques. Refoulés à la
frontière et contraints de se replier dans les confins occidentaux des
provinces chinoises du Sichuan et du Yunnan où un puissant réseau
monastique entretenait l'influence spirituelle et politique de Lhassa, ils
végétèrent pendant un siècle au sein de petites communautés chrétiennes
perpétuellement menacées, jusqu'à leur expulsion définitive par les
communistes en 1952. Entre 1865 et 1940, huit d'entre eux furent
assassinés.
Fondateurs des communautés chrétiennes qui conservent encore
fidèlement leur souvenir, ils furent explorateurs et pasteurs, infirmiers
et enseignants, bâtisseurs et cultivateurs, botanistes et linguistes. Mais,
poussés par les circonstances à devenir les complices plus ou moins
consentants des ambitions coloniales d'une France qui avait imposé à
la Chine son protectorat sur les missions, ils furent aussi les témoins et
les cibles privilégiés des rivalités de pouvoir et des conflits entre
Chinois et Tibétains, qui ravagèrent la région bien avant que la question
de l'autonomie du Tibet devienne un problème international.
Peut-on les considérer comme des martyrs victimes de l'ostracisme
des lamas ? Furent-ils les pièces sacrifiées d'une mission vouée à
l'échec en raison des multiples contradictions politiques qui pesaient
sur elle ? Comment envisageaient-ils eux-mêmes l'éventualité d'une
mort violente alors qu'en France leur maison mère acquérait sa réputation
de «Séminaire des Martyrs» ? Sans prétendre apporter des réponses
définitives à ces questions, cet ouvrage retrace leur carrière et
analyse leurs comportements dans le contexte extrêmement confus et
tumultueux durant lequel ils exercèrent leur ministère.