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Nombre de débats et discussions acharnés n'ont cessé et
ne cessent de se succéder sur l'ainsi dénommée «crise grecque»,
alors même que se profile, à mesure qu'on en prend conscience,
une crise européenne de plus large ampleur. On avance ainsi des
chiffres, élabore force plans de sauvetage, négocie des taux d'intérêts
bancaires au nom de «marchés» anonymes et tout-puissants,
sans bien comprendre ce que cette crise recèle. Pourtant, des voix
s'élèvent, de plus en plus audibles, qui s'efforcent d'identifier et de
diagnostiquer les causes profondes de ce qui se révèle progressivement
comme une crise plus vaste, qui touche non seulement à
l'identité grecque, mais à un véritable malaise de notre culture,
qui outrepasse le seul «cas» grec.
En juillet 1954, alors qu'il venait d'avoir trente ans, exilé en France
et dans l'impossibilité de retourner en Grèce, Kostas Axelos
publie ce texte prémonitoire et d'une lucidité accablante,
s'efforçant de scruter les origines profondes du mal-être grec. À
peine sorti de la Résistance et d'une sanglante guerre civile, le
jeune Axelos s'attaque ici au Destin de la Grèce moderne, en y
posant des questions cruciales. Assurément, il n'y a pas à en
douter : le destin de l'Hellade est bien «moderne». Plus encore,
«elle ne peut être sans destin au sein du monde moderne dominé
par les grandes puissances». L'interrogation fondamentale
concernant la Grèce demeure ici d'une étonnante actualité :
«Comment établira-t-elle l'harmonie entre sa puissance et son
impuissance ? Et pour s'approprier son être ne vendra-t-elle pas
son âme au diable ? S'assurera-t-elle sa place dans le monde
sans abandonner sa nature et saura-t-elle maintenir l'équilibre
entre la physis et la technè ?»