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«J'avais pris l'habitude, en sortant du solfège ou du
catéchisme, de passer à la superette de M. Pétika pour
chouraver quelques bonbecs. Ce que je ne savais pas,
c'est que Pétika avait retapissé ma petite ganache et,
peinard, tenait une note précise de mon butin.
Le jour où il a présenté la douloureuse à mon daron
qui rentrait du turbin, j'ai pris une escalope dans le museau
et suis parti au pieu sans becter.»
Charles est fier d'être un emmerdeur : quand la vie vous a tout
pris, il faut bien trouver une raison d'exister. Placé en foyer avant
sa dixième année, après que son père a tué sa mère et son amant,
le jeune Français d'origine africaine doit attendre sa majorité pour
partir à la conquête du Paris des années 1980, peuplé de Blousons
noirs et des pionniers de la génération hip-hop avec, pour seules
armes, son irrévérence détachée et sa droiture, y compris dans
le vice, qui lui valent vite le blaze de «Jean Gabin». Maniant la
langue comme un 9 millimètres, usant d'un argot savoureux et
de tournures dignes des dialogues de Michel Audiard, le futur
MC ne le sait pas encore, mais il est fait pour le rap. Pour l'heure,
néanmoins, c'est une autre voie qu'il choisit : le braquage, art pour
lequel il montre un talent certain. Il vit alors sa vie comme une
mélodie en sous-sol, toujours entre deux coups, à l'affût de la bonne
«occas'». Et quand Paris devient trop petit pour lui, c'est à Berlin
qu'il décide de monter son plus gros casse. Trahi par un complice,
Charles écope de trente-trois ans de «calèche», ramené à huit en
appel, qu'il décide de passer en Allemagne, laissant pour un temps
la France et ses galères et partant à l'assaut d'une nouvelle langue.