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Ce livre est le fruit d'une enquête dans la province chinoise du Hunan qui a duré plus de
dix ans. Le point de départ aura été la découverte sur un marché du sud de la Chine de quelques
statues en bois polychrome à l'intérieur desquelles se trouvaient des documents de consécration,
indiquant, pour certains d'entre eux, qu'il s'agissait de maîtres taoïstes. On y mentionnait la
date de fabrication, le nom des personnages représentés, celui des commanditaires, le lieu où se
trouvait la statue, les raisons pour lesquelles elle avait été faite, les voeux associés au culte et bien
d'autres renseignements concernant l'histoire locale. De très nombreux séjours dans le centre du
Hunan apportèrent peu à peu des réponses aux différentes énigmes que posait l'immense corpus
de documents de consécration accompagnant quelque deux mille statues datant pour la plupart
de la dernière dynastie mandchoue (1644-1911). Non seulement personne n'avait rencontré
dans aucune autre partie de la Chine une statuaire de ce type, mais de surcroît, cette province
méridionale du Hunan comptait un très grand nombre de maîtres taoïstes et de sculpteurs
qui perpétuaient cette tradition très ancienne. C'est grâce à eux que progressivement furent
assemblées les pièces d'un puzzle très complexe qui rendait compte d'un système de croyances
qui plongeait ses racines dans l'Antiquité chinoise et rappelait de manière très évidente le culte
des immortels du temps de Laozi et Zhuangzi.
La confrontation des sources scripturaires, conservées entre autres dans le Canon taoïste
compilé au XVe siècle, avec la liturgie des maîtres de cette province, aura permis de mettre
en lumière, en dépit des bouleversements de tous ordres qu'a connu le pays, l'extraordinaire
continuité dont se prévaut le taoïsme et un très grand nombre de particularités locales, car la
transmission au sein de lignées taoïstes s'est faite de manières très différentes dans chaque région
de Chine. Le Hunan et sa statuaire auront ainsi été l'occasion d'écrire une nouvelle page de
l'histoire du taoïsme qui demeure l'une des composantes essentielles de la civilisation et de la
pensée chinoises.
Écrit du point de vue d'un anthropologue, ce livre consacré à l'art taoïste du Hunan, ne
s'adresse pas uniquement à un public de sinologues. Débordant le cadre des études chinoises, il
s'interroge sur la religion en général et fait référence aux travaux de Claude Lévi-Strauss, Philippe
Descola, Clifford Geertz ou Alfred Gell, et se réclame à la fois de la philosophie de l'histoire de
Marcel Gauchet et de l'héritage surréaliste.
La très abondante iconographie qui accompagne le texte est constituée de documents inédits
qui donnent une dimension indispensable à la compréhension du taoïsme, en tant que tradition
vivante.