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Comment les économistes écrivent-ils l'économie ? L'économique est
en effet un discours et l'économiste habite sa langue. Il n'est de faits ou de
concepts dits économiques que dans et pour une structure d'énoncés qui forme
un ordre du discours. Tous les concepts économiques se confondent avec la
langue qui les dit et leur assigne ses limites. Ce que nous nommons questions
ou problèmes économiques a toujours à voir avec les tensions, ambiguïtés ou
même obscurités au sein du discours. Nous partons de ces postulats posés dans
un travail antérieur (Tractatus economico-philosophicus).
Nous consacrons plus particulièrement cet ouvrage aux figures du
Sujet et du temps, dont l'irruption caractérise l'avènement de l'économique à
l'époque moderne. Dire que «la consommation est ceci ou cela» n'est pas la
même chose que dire «je consomme». Que signifie le verbe être lorsque nous
disons que la consommation «est» ? Quel est le statut assigné par la langue
économique au passé, au présent et au futur ?
Nous proposons une lecture de trois oeuvres de Keynes, Friedman et
Hayek. Marquées par des divergences apparentes, ces trois oeuvres constituent
un processus d'apprentissage commun qui pose progressivement le Sujet
comme structure temporelle d'action et le temps comme durée. Nous montrons
que ce déploiement hésitant dans la langue donne une clé de la pensée moderne
et des confusions qui la traversent.
Car lieu de clarification, la langue est aussi force de résistance à ce qui
doit ou peut être dit. Elle met du coup l'économique sur la voie de recherche
d'une théorie de la connaissance et d'une grammaire.