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La philosophie antique voyait dans la recherche du Bien la finalité de l'homme, et la cause de son bonheur ultime. Dans cette perspective, la philosophie n'était pas seulement «théorique», mais aussi «pratique». Pour pouvoir connaître le Bien, il fallait bien vivre, bien agir. Cette rectitude de la conduite était à son tour la condition pour bien penser, et ainsi, graduellement, monter vers la contemplation de l'Un platonicien ou de l'Être aristotélicien.
Le christianisme n'a pas modifié cette vision du bonheur, recherché par tout homme, même s'il en ignore la véritable nature et peut se tromper de bien. «Tu nous as fait pour toi» écrit saint Augustin, et l'homme est sans repos tant qu'il ne repose pas en Dieu - le Bien et l'Être. L'ordre a changé cependant: la contemplation ne vient pas après la quête philosophique ou naturelle; elle est le commencement de la quête. Car Dieu s'est révélé, et désormais, c'est par la foi que l'on va à la compréhension: il faut croire pour comprendre - il faut que l'homme adore, contemple, pour arriver au bonheur qu'il recherche. En ce sens, la vie contemplative est le creuset de tout agir véritable. C'est d'elle que renaîtra la vie en Dieu en Occident.
C'est l'histoire de ce renversement de perspective que résume cet essai, avec la simplicité et la clarté qui caractérise la pensée de Josef Pieper.