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Dix ans après la disparition de l'astrophysicien Pierre Souffrin, le
présent recueil lui rend hommage en rassemblant une partie significative de
son oeuvre originale d'historien des sciences et, dans une moindre mesure,
d'éditeur/traducteur. Les textes donnés à lire ici, une vingtaine et plus au
total, permettent de se faire une idée assez précise des principaux champs
de recherche qu'il a abordés ainsi que de l'exigence intellectuelle et de la
rigueur avec lesquelles il a mené ses travaux.
Quatre grands axes et quelques thèmes principaux peuvent y être aisément
distingués : 1 - le statut et les modalités d'intervention du concept de vitesse
dans la science préclassique, fort différents de ceux qui voient le jour aux
XVIIe et XVIIIe siècles ; 2 - la tradition, au Bas Moyen Âge et à la Renaissance en
particulier, tant de la Geometria practica que de ce qu'il aimait à définir comme
la Physica practica, dont la vitalité et l'importance elle-même, assurément
de tout premier plan dans les applications techniques «concrètes» à ces
époques, ont été longuement et presque constamment sous-estimées par les
historiens ; 3 - l'ecdotique des figures et des textes scientifiques ainsi que
leur traduction, dont les historiens des sciences ont souvent eu tendance à
négliger la valeur et le sens exacts, non moins que les inéluctables implications
et retombées épistémologiques ; 4 - la théorie galiléenne des marées, enfin,
dont bien des historiens ont cru pouvoir se moquer, alors même que Galilée
voyait à juste titre dans les marées une preuve du mouvement de la terre - et
Pierre Souffrin a montré que cette théorie, en soi parfaitement cohérente,
met au jour ce que l'on peut appeler «l'effet galiléen» résultant du double
mouvement de rotation de la terre, effet parfaitement illustré par la «machine
à marées» qu'il a construite pour le rendre visible.
Les écrits rassemblés ici montrent donc à la fois la diversité des recherches et
des travaux menés par Pierre Souffrin et l'originalité profonde de sa démarche,
marquée par un refus élevé au rang de méthode des lieux communs ou des
idées reçues et, partant, par une lecture nouvelle, et bien souvent nettement
plus attentive et philologiquement avertie, de textes jusque-là non compris,
voire considérés à tort comme erronés ou fautifs (d'Oresme à Alberti et à
Galilée), et pourtant fondamentaux pour la naissance de la science moderne
qu'il n'arrêta jamais de questionner.