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La dépression, maladie énigmatique dont la source reste indéchiffrable,
serait-elle l'expression somatopsychique de l'interrogation
métaphysique propre à l'être humain ? Maladie des humeurs,
pour les Anciens, l'acédie, maladie de l'âme, se jumelle à la culpabilité
dont elle reste indissociable.
Crainte et expérience de la perte d'objet, d'un désinvestissement
intolérable ou d'un traumatisme débordant la capacité d'élaboration
du psychisme, la libido déserte le sujet, noyé dans la dissolution
de son être qui souffre, anéanti, de ne plus désirer.
Perdu dans le bouleversement existentiel des deux topiques, le
moi subit la tyrannie implacable de son surmoi. Cette manifestation
lancinante du surmoi culpabilisant dévorant le moi ne serait-elle pas
un retour en force d'un ça vengeur, caché sous le masque honorable
du surmoi ? Ce qui pourrait expliquer la créativité comme l'agressivité
nécessaire à la création, créativité souvent associée à la dépression,
et qui constituerait même, comme le montre Winnicott, un élément
indispensable à toute mise en oeuvre. La mélancolie, pour les
Anciens, n'était-elle pas source de génie et de folie ?
Mais la perte de l'objet, connu ou inconnu, et l'abandon de
l'omnipotence, tant pour l'enfant que pour l'adulte (dépression
primaire de Melanie Klein ou dépression essentielle de Pierre Marty),
provoquent une douleur narcissique immense pouvant conduire le
sujet souffrant à quitter le domaine enténébré d'Éros pour bifurquer
vers le refuge de la mélancolie : le précipice de Thanatos.