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Hélène Schjerfbeck (1862-1946) a beaucoup peint, surtout une
série d'autoportraits dans lesquels elle a étendu, en sa féminité, sa
psychè, en ne cessant de la creuser, de la gratter jusqu'à l'os, jusqu'à la
manifestation de ce que l'art est refus de la représentation, plutôt
appel obstiné en soi de figures venues de rien.
En parcourant la série, on songe inévitablement à la mort et à ses
signes, alors qu'on doit voir aussi les couleurs tremblantes et toujours
désirantes de la vie, par exemple sur les lèvres rouges.
«Peut-être, l'artiste n'a-t-il qu'à pénétrer en lui-même [...] dans ce rien
que moi dur et glacial.» «Je ne suis rien, absolument rien, tout ce que
je désire faire, c'est peindre, chercher. - Ce doit être ceci qui fait la grandeur
des peintres, de sorte qu'ils ne vieillissent jamais : le fait qu'il y a toujours
encore quelque chose à conquérir.»
Cette peinture incomparable et radicale fait l'objet, dans ce livre - le
premier essai consacré en français à Hélène Schjerfbeck -, d'une
expérience du regard et d'une tentative de rencontre avec ce que les
autoportraits manifestent d'une subjectivité en question jusqu'à la
torture, qui a interpellé le spectateur stupéfait et étrangement concerné.
Celui-ci s'engouffre à son tour, avec ses moyens philosophiques, dans
la vérité inquiète du portrait réel et impossible.