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Le «reverend pere en Diable Picatris, recteur de la faculté diabologicque»... c'est
ainsi que Rabelais ironise sur un célèbre livre de magie, le Picatrix. Il s'agit d'une
traduction latine, réalisée après 1256 à la cour du roi de Castille Alphonse X, d'un
ouvrage en langue arabe, la Ghayat al-Hakim (le But du sage), qui rassemblait des
textes magiques d'origine orientale (sans doute mésopotamienne). Cette compilation
fut elle-même vraisemblablement réalisée en al-Andalus aux alentours du XIe siècle. La
fortune de cet ouvrage, difficilement décelable dans le monde musulman, est complexe
dans le monde latin, puisque l'étrange livre n'y réapparaît qu'au XVe siècle. La magie
astrale du Picatrix est fondée sur la fabrication et l'utilisation de talismans : ces objets
artificiels, ces images en deux ou trois dimensions, captent, le plus souvent au terme
d'un rituel élaboré, le pouvoir des astres et des images célestes (constellations, décans,
mansions lunaires...). Le présent ouvrage vise à déterminer la fonction et le statut des
images dans la magie du Picatrix, sous toutes leurs formes : talismans, éléments figurés
dans les rituels les plus divers et images célestes. Cette étude évoque l'histoire de ces
textes et de ces pratiques sur une longue période, qui embrasse le temps des sources,
probablement harraniennes, celui de la transmission durant le Moyen Âge et enfin celui
des héritages, à la Renaissance et au-delà. Cette utilisation spéculative et pratique des
images est replacée dans le contexte d'autres formes de magie tant en Orient qu'en
Occident. L'approche croise l'histoire des doctrines et celle des pratiques magiques,
l'histoire de l'art et celle des religions.