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Relire l'Essai général de tactique, c'est être frappé par
l'actualité de Guibert.
Véritable rupture dans la pensée militaire, ses écrits se situent à
l'origine d'un art opérationnel qui, sous des modalités nouvelles,
est toujours en oeuvre aujourd'hui. Pour reprendre l'expression
consacrée, Guibert est le théoricien de la grande «révolution dans
les affaires militaires» de la fin du XVIIIe siècle, celle qui a conduit
au «système de guerre moderne» prévalant encore malgré l'évolution
des technologies.
Héritier direct de Frédéric le Grand, Guibert prône un «principe
divisionnaire» beaucoup plus riche que ce que l'histoire
militaire récente en a fait. Promoteur de la manoeuvre et de la
guerre de mouvement, il plaide pour la simplification et
l'homogénéité des structures qui conduisent à la création de
modules de forces interarmes, modifiables et interchangeables,
capables de se déplacer de manière autonome puis d'être engagés
avec souplesse, isolément ou regroupés. Il conçoit une manoeuvre
supposant une reconfiguration permanente de la disposition de
ses différents constituants ; il invente un système de forces qui agiraient
dans leur ensemble mais seraient constamment capables de
se concentrer ou de s'étendre, de modifier leur organisation.
Rejetant les règles fixes, il se fait l'avocat persuasif de la seule règle
qui vaille à la guerre, celle de l'adaptation aux circonstances.
Guibert est parfaitement contemporain : ses enseignements
retrouvent même une modernité renouvelée par l'espace redonné
à la manoeuvre. Il faut donc relire son Essai général de tactique,
parce qu'il constitue un tournant fondamental dans la pensée
militaire et se situe véritablement à la source de la modernité opérationnelle.