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C'est un lieu commun que de déclarer la Réforme fille de Gutenberg. Si la
révolte de Luther a provoqué une immense vague de pamphlets en Allemagne,
qu'en est-il de la France et de la francophonie ? Une réponse nuancée doit tenir
compte de l'évolution et de la diversité du livre tout au long du XVIe siècle.
En France, le livre évangélique naît modestement durant les années vingt de
ce siècle. Durant deux décennies, la diffusion des idées nouvelles se fait de
manière dispersée : plusieurs tendances se partagent le terrain et plusieurs
centres typographiques, en France et ailleurs, sont sollicités par les réformateurs.
Avec l'installation définitive de Calvin à Genève en 1541, la propagande
religieuse par le livre prend un nouvel essor et Genève acquiert une
position dominante. Après une dizaine d'années de diffusion modeste, l'imprimerie
genevoise connaît une explosion sans précédent. Le début des guerres
de Religion, en 1562, porte un rude coup à l'industrie typographique genevoise.
Durant le dernier tiers du siècle, le livre réformé régresse malgré l'ouverture
d'ateliers typographiques protestants en France même. Le mouvement réformé
perd de son élan. Il se met sur la défensive sans parler de la politisation croissante
des conflits confessionnels. À Genève, la perte du marché français
contraint les imprimeurs à se recycler dans le livre non religieux, humaniste,
juridique, médical, parfois même dans la théologie catholique. La concurrence
des imprimeurs de France et des Pays-Bas reste modeste. Bref, après une
période d'intense propagande du vivant de Calvin, le livre réformé prend une
place modeste moins orientée vers la conquête de nouveaux adeptes que vers
la polémique savante ou l'éducation religieuse.
Cet ouvrage montre - pour l'arc de temps qui va de 1520 à 1598 et pour un
usage restreint à celui de la promotion et de la défense du protestantisme -
que les changements du livre sont bien réels, confirmant également ainsi toute
la richesse et l'intérêt de l'histoire du livre.