Read more
Héritier d'influences diverses (notamment romaine et chrétienne), le droit
français s'est constitué au fil des siècles, sous l'ombre tutélaire de la
monarchie d'Ancien Régime, pour acquérir sa physionomie singulière, avec les
codifications réalisées sous Napoléon et l'enracinement de la république qui a
suivi.
Son originalité, c'est la cohérence et la clarté «latine» d'un droit écrit, héritier
de Rome, des ordonnances royales et des codes napoléoniens inséparables d'un
État ordonnateur, vertébré et efficace. C'est aussi son caractère «modéré»,
respectueux de l'autonomie individuelle, mais aussi de la cohésion sociale,
ainsi que le poids sur l'individu d'une tutelle sociale qui s'est toujours voulue
bienveillante, dont la teneur a varié, mais dont la légitimité n'a jamais été
vraiment démentie.
Mais aujourd'hui son particularisme s'estompe. Nous sommes passés d'une
société de transmission, dans laquelle l'héritage reçu était la dimension
déterminante, à une société de communication où l'information, les besoins
immédiats ont une valeur cruciale. Nos contemporains et surtout les Européens
se rapprochent de plus en plus, dans un monde qui apparaît comme un
immense moulin en train de broyer les distinctions nationales. Le phénomène
est d'autant plus rapide que l'État en France ne dispose plus des attributs les
plus sûrs de la souveraineté, à commencer par le droit de légiférer librement, et
des moyens de défendre efficacement une langue et une culture.
Il en résulte que le droit (et sans doute l'identité) français(e), en tant que
produit d'une tradition nationale, animé d'une vie propre, est entré dans la
phase dernière de son existence. Mais la mort fait partie de la vie et elle permet
à la vie de renaître. L'histoire ne s'arrêtera pas avec cette parenthèse qui se
ferme. Elle s'ouvre vers de nouveaux lendemains, qui peuvent nourrir la crainte,
mais aussi l'espoir.