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Ce titre est un néologisme, référence à l'importante exposition sur le Futurisme qui s'est
tenue au Palazzo Grassi à Venise en 1986 et que le regretté Pontus Hulten avait intitulée Futurismo
& Futurismi, afin de montrer la diversité des courants constituant ce mouvement italien. Il illustre
également la diversité des origines de l'expressionnisme allemand. Souvent perçu comme monolithique,
ou, tout au moins, défini par une même appellation, ce mouvement s'organise pourtant
en deux approches diamétralement opposées.
Der Blaue Reiter, «Le Cavalier Bleu», était un mouvement intellectuel, composé principalement
de penseurs et de philosophes. Ils avaient une approche extrêmement théorisée de ce que
devait être leur oeuvre. Héritier de la culture germanique et romantique du Gesamtkunstwerk,
«oeuvre d'art totale», - où littérature, musique, poésie et dessin devaient s'harmoniser de manière
équilibrée -, ce mouvement compta également parmi ses fondateurs des artistes étrangers, tel
Kandinsky, qui apportèrent une vision non germanique à ce que devait être la création artistique
idéale. Cette association déboucha rapidement sur l'un des plus importants bouleversements de
l'histoire de l'art du XXe siècle : la naissance de l'abstraction.
Parallèlement à ce mouvement purement intellectuel, Brücke, «Pont», se développa autour
d'artistes qui privilégièrent une création sensible, sensitive et émotionnelle, où n'avaient pas
place les considérations théoriques de Der Blaue Reiter. Ces artistes allaient exprimer de façon
instinctive leur rapport à un climat, une époque, un contexte et une période de décadence pangermanique
dont les artistes considérés comme «dégénérés» par le régime national-socialiste
allaient être les témoins impuissants et malheureux.
Cette exposition se conçoit donc comme un jeu de convergences et de divergences entre
deux courants que tout oppose et confronte. Cependant, exposer des oeuvres intellectuellement
aussi distinctes côte à côte, et renoncer ainsi à une classification encyclopédique «artiste par
artiste» - éviter le côté «dictionnaire» -, permet d'en souligner les points communs et d'en clarifier
les différences : l'étrange facilité avec laquelle ces oeuvres communient et se répondent est déconcertante.
Preuve sans doute que l'idée de conclure à la naissance d'un mouvement commun est
finalement évidente.