Read more
La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps ou
prétendus tels... de Garasse, que Voltaire présente à qui veut
le lire comme «le plus absurde et le plus insolent calomniateur,
et en même temps le plus ridicule écrivain qui ait jamais été
chez les jésuites» ! Dans ce volumineux traité, (gros de 1025
pages dans l'édition originale de 1623), la sottise, la rage de
convaincre ou, à défaut, celle de faire taire l'adversaire, ainsi
que l'érudition parfois bien pesante de ce furieux imprécateur,
paraissent moins valoir pour elles-mêmes qu'à titre d'objets
muséologiques.
Toutefois, à y regarder de plus près, nous sommes en présence
également de ce qui, pour les esprits désireux de s'affranchir
peu ou prou de la tutelle de l'Église, va constituer, tout au long
du XVIIe siècle et jusqu'au milieu du siècle suivant, une véritable
mine en même temps qu'un repoussoir. Car libertins et athées
plus ou moins déclarés, déistes de toutes obédiences et partisans
de la liberté de conscience iront et retourneront durant un bon
siècle et demi à Garasse comme l'on se rend à la source ou, tout
du moins, comme à l'un des almanachs les plus complets de
l'intolérance et du fanatisme d'église.
Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère, ton tour est
venu d'endurer les harangues de cet invraisemblable jean-foutre
qui voulut mettre au pas la libre pensée, qui se mit en tête de
terroriser Paris par son zèle de délation et qui, tu nous le
concéderas de bonne grâce, ne mourut pas sans laisser derrière
lui de nombreux et très persévérants héritiers.
Jean Salem