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L'outre-mer français offre un terrain d'observation privilégié de la
rencontre des civilisations. Les principes qui fondent
classiquement notre conception de l'État-nation s'y trouvent mis
à l'épreuve, de même que notre conception de la citoyenneté.
Malgré la difficulté à intégrer la problématique posée par
l'autochtonie, l'Etat français a parfois été contraint de
sacrifier à cette logique qui bouscule nos principes : ainsi en
Nouvelle-Calédonie, à côté du Peuple Français, existe un
«Peuple Kanak».
Cet effort de remise en cause se poursuit au niveau du droit
privé, au travers du statut des terres comme du statut personnel.
En définissant un statut des «terres coutumières» qui en
fait non plus des biens mais un capital social et culturel, le
législateur français a donné corps à l'idée d'un «patrimoine
trans-générationnel» qu'évoquent tous ceux qui se
préoccupent de la responsabilité des générations présentes
à l'égard des générations futures, de développement durable,
de maintien de la «socio-biodiversité».
Au travers du statut personnel, le «laboratoire juridique néo-calédonien»
remet en question notre conception ethnocentrée
du modèle familial, et de l'intérêt de l'enfant. Il montre qu'il est
possible de concevoir un autre monde commun respectueux
des identités individuelles et collectives.
Et parce qu'il s'agit d'envisager des solutions qui rejettent
toute idée de rupture, mais au contraire favorisent les
passerelles d'un monde à l'autre, cet ouvrage souligne que le
Droit (étatique) ne peut rester prétendument «neutre»
c'est-à-dire sourd à la dimension culturelle. Car dans les
esprits comme dans les coeurs, il a un concurrent de taille :
«la coutume», qui souvent se mue en symbole d'une
revendication politique.
Les sociétés nées du choc colonial, outre-mer comme en
Afrique francophone, sont des exemples vivants de pluralisme.
Et si elles procèdent à des emprunts, c'est généralement pour
conforter leurs propres logiques culturelles.
Le processus d'acculturation ne joue pas à sens unique. La
résilience des ordres juridiques infra-étatiques montre que
ces sociétés s'adaptent en développant leur propre
modernité. Elles imposent en retour à l'État comme à son
Droit des torsions dont ils ne sortiront pas indemnes.