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Les fort nombreux travaux relatifs au concept de représentation politique ou
au gouvernement représentatif tendent à imposer la thèse que la représentation
politique constituerait l'aménagement nécessaire de la forme démocratique
de gouvernement, aménagement dont certains philosophes auraient
proposé la description dans une «théorie». Pourtant, si l'on admet que les
normes juridiques ne sont pas déduites rationnellement des théories politiques
mais produites par des actes de volonté, le problème qui se pose est moins de
leur trouver un fondement qu'une justification susceptible de rendre compte de
la compétence de leur auteur à les produire. On est alors conduit à renverser
la question traditionnellement posée : au lieu de s'interroger sur les normes juridiques
qu'il faudrait déduire de telle théorie de la représentation, on s'intéresse
à la théorie de la représentation qu'impose tel système de normes. La question
devient : en quoi et pourquoi le droit positif a-t-il besoin du concept de
représentation ?
La démarche est celle d'un juriste et se fonde sur une théorie positiviste de
l'État dont Hans Kelsen a jeté les fondements au début du XXe siècle. Elle appréhende
l'État non à partir de définitions matérielles - qui expriment bien souvent
les préjugés essentialistes de leurs auteurs - mais en privilégiant le discours
des constituants eux-mêmes et en assumant l'idée que «l'État» dont parlent les
juristes n'a pas d'existence en dehors des discours juridiques qui le constituent.
Conformément à ces présupposés, Pierre Brunet cherche à montrer que loin
d'être une théorie descriptive de l'État, la théorie de la représentation en est une
théorie constitutive. Elle est, en d'autres termes, une justification du
pouvoir : elle produit l'unité de l'État en même temps qu'elle hiérarchise les
fonctions normatives dans l'État.