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Jusqu'à la perestroïka, en Union soviétique, les travaux sur le Théâtre
d'Art de Moscou, sur son rayonnement à l'intérieur et à l'extérieur
des frontières, versaient invariablement dans l'hagiographie de ses
pères fondateurs K. Stanislavski et V. Nemirovitch-Dantchenko. Aussi,
pour relire cette histoire, a-t-il fallu retourner aux sources : exhumer les
archives, retrouver les documents, recueillir les témoignages
permettant de reconstituer le contexte historique, social, politique, en
dehors de toute mythologie.
Les études réalisées par des spécialistes de divers domaines
(histoire, cinéma, théâtre) et de diverses origines (Angleterre,
Allemagne, Biélorussie, Finlande, France, Italie, Pologne, Russie,
République tchèque, États-Unis), portent essentiellement sur la
période 1906-1943. Sans inventorier tous les pays et les artistes qui
ont «importé» les méthodes de formation et d'organisation du Théâtre
d'Art, la recherche a consisté à interroger les causes de cette
fascination et les voies de la diffusion. L'ouvrage s'ouvre sur l'analyse
de Hamlet, monté par l'Anglais Gordon Craig à Moscou, puis aborde
les questions de la transmission d'une pratique, de la réception d'une
esthétique et d'un mode de travail, des transformations d'un modèle
messianique de l'art théâtral et enfin de la diaspora liée aux
conditions idéologiques et politiques. Relevant pour l'essentiel de
l'histoire du théâtre, l'ouvrage s'enracine dans l'histoire tout court, et
touche à l'anthropologie culturelle, à la sociologie, à l'étude des
pratiques artistiques.
Même si des pièces manquent encore à ce puzzle géant que
représentent les ramifications et les voyages du Théâtre d'Art de
Moscou, le lecteur découvrira l'histoire passionnante d'une culture
qui cherche à se conserver en s'exportant, et une idée de l'art et de
l'artiste visant, par-delà les bouleversements historiques et les
nationalismes, à unir les hommes dans le bien et le beau.