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Il est des hommes, exclus du grand récit historique officiel, des
vies apparemment ordinaires qui toutefois témoignent autant des
soubresauts d'un siècle que les biographies arrangées des grands
personnages. Georges Valero (1937-1990) en apporte une preuve
exceptionnelle.
Né au temps du Front populaire, Georges Valero grandit dans un
des quartiers les plus déshérités de l'agglomération lyonnaise. Son
investissement syndical le conduit, au retour de la guerre d'Algérie,
à choisir de travailler de nuit dans un centre de tri postal lorsque
nombre de militants deviendront permanents. Il est de toutes les
luttes de la gauche révolutionnaire : l'anticolonialisme, le communisme,
mai 1968, le syndicalisme autogestionnaire, l'anarchie.
Mais cet engagement dans le siècle prend, pour l'historien, valeur de
témoignage et d'analyses hors du commun du fait de la part prise, par
l'écriture romanesque, dans l'existence de ce fils d'ouvriers immigrés.
Très tôt, Valero, qui écrit dans des journaux lycéens, découvre la
nécessité de mettre à distance le cours immédiat des événements par
la littérature : soldat en Algérie, il se lance clandestinement dans la
rédaction d'un roman antimilitariste. Toute son oeuvre, imprégnée
de cet engagement dans la cité, se révèle pour l'histoire sociale et
culturelle, une mine sans équivalent, puisqu'elle offre une plongée
dans un univers populaire où l'on peine à parler de soi à la première
personne.
Au-delà de la figure de l'écrivain-travailleur, Christian Chevandier
restitue l'histoire d'une génération et d'un milieu, pour lesquels
la culture était synonyme d'émancipation. Une génération parmi
d'autres, qui se distingue cependant par ce que la vie de Georges
Valero nous révèle de la société contemporaine.