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Déclaration de Talaat Pacha, ministre de l'intérieur du
gouvernement turc, le 15 septembre 1915 : «Le gouvernement
a décidé d'exterminer entièrement les Arméniens habitant
en Turquie... Sans égards pour les femmes, les enfants,
les infirmes, quelque tragiques que puissent être les moyens
d'extermination, sans écouter les sentiments de la conscience,
il faut mettre fin à leur existence».
Déclaration d'Adolf Hitler, le 22 août 1939 : «Notre force
doit résider dans notre rapidité et notre brutalité. J'ai donné
l'ordre à des unités spéciales de S.S. de se rendre sur le front
polonais et de tuer sans pitié hommes, femmes et enfants.
Qui parle encore aujourd'hui de l'extermination des
Arméniens ?».
Ceux-ci d'ailleurs, comme la plupart de ceux qui ont survécu
aux massacres de notre histoire contemporaine, se sont
tus pendant deux générations, incapables de mettre en mots
ce qui était arrivé, acculés par ce silence même au terrorisme.
Pour donner une forme à l'irreprésentable de son histoire
familiale et un espace psychique à son pays dépecé, Janine
Altounian a choisi la voie d'une psychanalyse dont la poursuite,
selon sa formule, ne se révèle «évidemment pas une
aventure en vase clos - contrairement au reproche absurde
qui lui est fait - mais constitue le lieu où peuvent éventuellement
s'intégrer les violences, se symboliser les changements
externes». Lieu de parole où se confrontent la langue
enfouie de ses origines et sa langue d'accueil, où prend
source son travail de traductrice.
L'ensemble des textes de ce recueil témoigne de la
confluence d'une réflexion historique et d'une élaboration
psychanalytique dont on sent les chemins ouvrir progressivement
pour Janine Altounian ceux d'une Arménie qu'elle
n'avait pu connaître que par des identifications endeuillées.
Ses commentaires, aussi pudiques que le récit que son
père nous a laissé de sa déportation, nous confrontent au
paradoxe d'une époque qui, en même temps que le développement
des conceptions de Freud, a vu et continue de
voir se multiplier, dans le fréquent silence complice des
nations civilisées, génocides et totalitarismes barbares.