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En 1976, lorsque George Devereux publie Dreams in Greek
Tragedy (dont le présent ouvrage est la traduction française tant
attendue), la psychanalyse n'a pas encore exploré tous les champs
du savoir et son introduction dans le domaine des études antiques
est relativement récente : les difficultés rencontrées avant la publication
du livre en témoignent. C'est que l'ouvrage est novateur :
il soumet les rêves des pièces tragiques conservées à une critique
psychanalytique rigoureuse, il soulève un coin du voile que la
tradition a bien souvent pudiquement jeté sur des personnages
et des situations, dont elle refusait de reconnaître, et partant,
d'analyser le caractère profondément troublant. Et voici que, de
la mythologie, surgissent des individus dans toute leur «apparente
et monolithique simplicité extérieure», comme aime à dire
George Devereux à propos d'Eschyle, une simplicité qui recèle
une fascinante complexité... Ménélas n'est plus le mari trompé,
le benêt cocu de la tradition, mais un homme blessé. Oreste
quitte le rôle paradoxal du fils qui se débarrasse froidement de sa
mère sous prétexte de venger un père qu'il n'a pas ou peu
connu : son geste revêt une dimension personnelle bien plus fondamentale,
et n'en est que plus vrai.
Si l'OEdipe n'explique pas tout, si le lecteur moderne ne voit
plus dans la psychanalyse la discipline susceptible de fournir une
solution à toutes les énigmes de l'esprit humain, il ne peut que
saluer cette tentative de gratter le vernis faussement «moral» de
la mythologie, vernis qui dissimulait, avec leur humanité, les véritables
motivations des personnages tragiques.